Une occitane en Bretagne

Transfert en Bretagne



Ca y est, fin Mai 2001, c'est fait : nous venons d'acheter l'Occitane. Mais le bateau est en Bourgogne, à Pierrefitte-sur-Loire, près de Decize, et il faut le transférer en Bretagne, où nous sommes mutés, dans cette région qui, cessionniste, reste désespérément isolée du reste de l'Europe, France comprise. Ainsi commence l'opération la plus stressante jamais tentée. Nous avons le choix entre la mer(en autonome ou en cargo), ou la route, option retenue devant la somme de difficultés et le coût du transfert maritime.

Pour sa mise en œuvre, nous devons :

Nous optons pour un transfert du Loiret à la Sarthe , limitant ainsi le nombre de départements à traverser. Le canal d'Orléans étant toujours déclassé, nous envisageons un levage à Briare et une mise à l'eau au Mans. Plus court, il n'y a pas. Les entreprises de levage disponibles étant rares, nous sélectionnons la SOMATRA à Montargis. Celle-ci nous recommande de choisir Montargis plutôt que Briare dont le quai n'est pas facile d'accès depuis la route, mais aussi pour réduire le coût en évitant un long aller-retour à Briare, d'autant plus qu'il faut prévoir 2 grues.

Pour le Mans, nous retenons l'entreprise Merdrignac, d'excellente réputation.

Pour le trajet, nous contactons l'entreprise Jean-Yves de ST-Gilles-Croix-de-Vie, spécialisée dans le transport de bateaux. Ce transporteur insiste sur le respect du gabarit (tirant d'air). A vue de nez, ça passe à peu près, mais nous allons vérifier... en attendant les devis.

Nous consultons tous les services de navigation et autres usagers professionnels pour nous assurer qu'il n'y a pas d'obstacle à notre projet, y compris pour le trajet fluvial entre Angers et Nantes, jusqu'en Bretagne. Si l'enfant se présente bien, par sécurité, nous préférons prendre un pilote pour descendre la Loire entre Bouchemaine et Nantes.

Les devis arrivent. Il faut les digérer, mais nous acceptons. Après maints échanges téléphoniques, nous retenons début octobre pour conduire cette opération, avant la saison des pluies et les risques de crue. Le transporteur lance les procédures administratives. Pendant ce temps, nous préparons nos permis. Le vendeur de l'Occitane, super sympa, nous dispense une légère formation technique en nous convoyant de Pierrefitte/Loire à Decize où nous passons nos permis sans problème.

Courant juillet, nous transférons l'Occitane dans le chantier Raymondo, pour y subir un carénage à Marseilles-les-Aubigny avant de quitter la France.

Début septembre, surprise : à la lecture du « Fluvial », nous apprenons la mise à courre de la Sarthe. Nous vérifions immédiatement auprès des services de navigation. En effet, la Sarthe sera bien mise à courre à partir du Mans la veille du jour retenu pour notre mise à l'eau et tous ses biefs aval le seront également, les uns après les autres, au cours des semaines suivantes, sans qu'il soit possible d'obtenir la moindre modification du planning. Nous devons donc, soit changer d'itinéraire, soit trouver un autre point de mise à l'eau, ou, à défaut, reporter l'opération l'année suivante, puisque la totalité du réseau navigable breton est fermée 5 mois chaque hiver. Voilà qui compliquerait sérieusement notre situation financière, parce que nous devrons alors cumuler un loyer provisoire au crédit en cours.

Retour à la case « départ ». Nous annulons donc la mise à l'eau au Mans et suspendons les autres prestations. Après discussion avec les services de navigation, nous sélectionnons le quai Félix-Faure d'Angers pour cette mise à l'eau ; après tout, il n'y a qu'un département supplémentaire à traverser. Nous sélectionnons l'entreprise de levage « Anjou Manutention Landrau » de St-Sylvain-d'Anjou et relançons la totalité des procédures administratives.

Une semaine avant le levage, et après avoir encore vérifié la disponibilité de tous les services ou fournisseurs concernés, nous faisons route de Marseilles-les-Aubigny à Montargis, par le canal de Briare. A part les fuites d'échappement qui colorent la salle des machines en gris foncé, et une panne de refroidissement sur un moteur, tout se passe assez bien. Le matin du levage, nous plions la marquise, arrimons tout ce qui pourrait s'envoler et, sous une pluie battante, tronçonnons les quelques pièces qui pourraient dépasser du gabarit.

Malgré notre niveau d'anxiété, le levage se passe bien, jusqu'au moment où le chauffeur annonce gravement dépasser le gabarit de 10cm, juste assez pour arracher quelques ponts en route ! Catastrophe ! Qu'est-ce qu'on fait ? On remet le bateau à l'eau et on annule tout ? Non, le chauffeur nous rassure : il passera ! Confiance ! Nous le regardons partir, non sans inquiétude quand même.

Pendant que l'Occitane voyage, nous décidons de passer la nuit à proximité de Blois, pour rejoindre le camion à Angers le lendemain, à l'heure convenue. De passage à Vierzon, je contacte le chauffeur pour nous rassurer. Nouvelle douche froide : il est bloqué par la Gendarmerie devant Orléans qu'il ne pourra traverser que très tard dans la nuit, pour motif de manifestation syndicale. Par conséquent, même si tout va bien, il ne pourra atteindre Angers avant vendredi soir. Du coup, le grutier doit reporter la mise à l'eau au lundi suivant. Le bateau restera tout le WE sur le camion à Angers. Notre présence étant totalement inutile, nous décidons de rentrer chez nous pour rejoindre Angers lundi matin.

Lundi matin, tout le monde est au rendez-vous. La mise à l'eau se passe très bien même si, en cette période d'étiage, le niveau des eaux se trouve environ 6m en-dessous de la plate-forme. Nous devons alors descendre une échelle vertigineuse pour « monter » à bord. Mais, pourquoi l'Occitane est-elle couverte de feuilles et de branches d'arbres cassées ? Le chauffeur aurait-il arraché des arbres en route ? Pas du tout. Un violent orage s'est abattu sur l'Anjou pendant le WE. D'ailleurs, il y a de l'eau partout, surtout dans la salle des machines. Pas beaucoup, juste assez pour nous obliger à écoper, sans parler du tableau de bord dont les appareils sont trempés, faute pour nous d'avoir pensé à le protéger.

« Bonjour, besoin d'un coup de mains, peut-être ? » nous interpelle-t-on alors du haut du quai. Nous levons la tête, interrogatifs. Encore un clodo mal rasé à pétrolette qui cherche à se faire du fric sur notre dos, sans doute. Mais, comme nous devons procéder au premier dépliage, très délicat, de la lourde marquise, on l'invite. « Pourvu qu'il ne s'incruste pas ; on n'a pas que ça à faire, nous autres ! ». En fait, sans son aide, nous n'y serions jamais arrivés, et on ne sait pas comment le remercier, d'autant plus que le bateau est vide. Prétendant avoir un bateau ( sans doute un de ces « tupperwares » blancs), il nous conseille de nous déplacer au quai aval de la ville, beaucoup moins dangereux et plus facile d'accès. Nous le remercions de sa sollicitude et, après avoir déchargé la voiture à la corde, partons faire quelques courses alimentaires urgentes. En ville, nous repérons le port de plaisance, complet, et, plus loin, le quai en question, désert, mais effectivement d'accès aisé, autant de la route que de la rivière. Il avait raison, le gars : Nous nous y rendrons donc.

Le lendemain, après voir terminé la préparation du bateau, nous quittons le quai Félix-Faure pour faire le plein d'eau au port de plaisance, et continuons jusqu'au quai aval, non sans avoir remarqué un superbe automoteur en stationnement devant le château. On s'installe donc facilement, mais pas d'électricité, donc pas de chauffage, ni de frigo. Aussi, en plus du bruit de l'autoroute en pleine ville, par ce beau mois d'octobre on crève de chaud le jour, et on gèle la nuit. Nous devons lancer le groupe électrogène, extérieur et bruyant, matin et soir, ne serait-ce que pour pouvoir se laver normalement !

« Bonjour, ça se passe bien ? Besoin de rien ? » et revoilà le gars, mais sans sa pétrolette, cette fois.

« Bonjour, tout va très bien. On termine les pleins pour partir rapidement. »

« Ca m'étonnerait beaucoup. Vous ne pouvez pas partir maintenant, l'écluse est en panne depuis une semaine. » nous explique-t-il avant de prendre congé. Effectivement, vérification faite, il est bien au courant, ce gars : l'écluse est bien en panne de vérin, et, comme il n'y a pas de pièces de rechange, il faut bien attendre et la réouverture n'est pas pour demain. Nous partons alors en approvisionnement sur la rive opposée, surtout pour trouver de la glace pour servir de réfrigérateur. Aussi, on ne peut traverser le pont sans s'arrêter pour admirer ce superbe automoteur, en contre-bas, devise « Neptune ». Mais, là, sur le Neptune, c'est bien le gars à la pétrolette, non ? Là, on s'est vraiment senti mal, très mal à l'aise ! Le plus beau bateau de la ville, c'était SON bateau, et il n'a rien d'un tupperware, son bateau. Ca impose le respect, non ?

Devant prendre notre mal en patience, mais inquiets de temps qui s'écoule, nous décidons d'aller demander conseil au type à la pétrolette, Jean-Paul, sur le Neptune. Toujours aussi serviable, il va se rendre sur place examiner la situation dans le détail et se renseigner. Mauvaise nouvelle : il faut attendre : manque de crédits !

Mais, après 4 ou 5 jours, on nous annonce la réouverture pour le lendemain. Faux départ : arrivés en face de l'écluse, on nous fait faire demi-tour à grands signes. Retour à la case départ.

Nous allons consulter nos nouveaux amis du Neptune (du coup, ce n'est plus le gars à la pétrolette). Devant notre inquiétude de ne pas pouvoir arriver en Bretagne avant la fermeture de la navigation, Jean-Paul nous a concocté un plan audacieux qu'il nous pousse à adopter : Avant l'aube, il se rend au barrage pour s'assurer qu'il est suffisamment effacé pour garantir le mouillage et assurer un guet. Sur son appel, nous démarrons immédiatement et franchissons allègrement le barrage pour disparaître dans la brume matinale. On est sauvé ! Merci Jean-Paul ! Sans lui, je crois qu'on y serait encore ! Nous faisons halte à Bouchemaine pour embarquer le pilote et nous descendons à Nantes avec une facilité déconcertante où nous arrivons à l'écluse St-Félix en début de soirée, juste à marée haute. Ouf !

Nous stationnons au ponton de l'écluse St-Félix pendant 3 jours, le temps d'aller chercher la voiture à Angers, d'alimenter l'Occitane en gazole et l'équipage en denrées, avant d'appareiller. Après avoir traversé le tunnel et longé la merveilleuse île de Versailles, nous quittons Nantes pour 5 longs jours de navigation, avec arrêt à Sucé-sur-Erdre, Blain, Redon, et Messac-Guipry pour gazole (encore), et Rennes.

Le lendemain, dimanche, nous poussons jusqu'à Betton, où nous arrivons tout juste pour reprendre le travail pour une semaine. Le WE suivant, après avoir plié la marquise, nous terminons notre périple en rejoignant Tinténiac où nous arrivons la veille de la fermeture de la navigation. Ouf, il était temps !

A titre de conseil, je me permettrais de recommander aux candidats au transfert de :

Dernière modification : 01/02/2012, 23:04:31